Art, communication et publicité : la censure se porte bien !

En 2022, les artistes et les « communicants » (publicité, communication, journalisme…) sont-ils complètement libres de s’exprimer ? Où en est la censure, en France et dans le monde ?

Le livre d’Yves Frémion, publié aux Éditions Alternatives, « Images interdites : la censure au XXIᵉ siècle » apporte un éclairage très documenté sur la question de la censure, ces vingt dernières années. 

À l’Agence Uccello, il nous a passionné. C’est pourquoi, nous partageons avec vous notre regard sur cet ouvrage.

Un panorama de la censure des images au 21ᵉ siècle

Yves Frémion est un auteur très attaché à la liberté d’expression. Selon lui, aucune image ne devrait être censurée. Il s’intéresse donc de près au sujet.  En 1989, il avait publié la première version de son ouvrage « Images interdites ». Il nous racontait alors l’histoire internationale de la censure au cinéma, dans les journaux, les revues, les affiches et les livres.

En 2022, il revient avec cette fois un panorama, pour voir où nous en sommes en ce début de 21ᵉ siècle.

Il dresse ici le « premier panorama de la censure internationale depuis ces 20 dernières années ». Et franchement, on ne peut pas dire que la liberté d’expression ait fait beaucoup de progrès. Dans la conclusion, l’auteur explique même que le phénomène de censure explose ces dernières années, sans que nous y prenions garde. L’auteur affirme que « En ce début de 21ᵉ siècle, on a déjà plus censuré ou banni que pendant tout le siècle précédent ».

Le livre fait l’inventaire chronologique de tout ce qui a choqué, irrité ou rendu furieux les censeurs de tout poil ces 20 dernières années. Pour cela, il a analysé tous les domaines de l’image : le dessin de presse, l’illustration, la BD, le cinéma, la télévision, la photo, la peinture, le graphisme, le street art, l’affiche, la couverture de livre… et même les productions sur le Net. Aucun pays n’est oublié : il est allé voir ce qu’il se passe dans le monde, du pays le plus démocratique au plus autoritaire, de la part de toutes les sensibilités politiques, religieuses ou philosophiques. Force est de constater que depuis le nouveau millénaire, des milliers d’images ont été (et sont encore) attaquées, détruites, interdites. Leurs auteurs et autrices et diffuseurs sont pourchassé·e·s, emprisonné·e·s, assassiné·e·s, traqué·e·s sur les réseaux sociaux. 

Art, communication et publicité : quid de la censure ?

Aujourd’hui, les grands sujets interdits sont la nudité, tout ce qui touche au pouvoir ou à la norme. Et on peut se demander qui censure : les dictateurs, les religieux, les autorités et administrations (dans les pays démocratiques), des autorités « auto-proclamées » au sein de grands groupes qui vont filtrer et censurer toutes les images produites soit en interne par les départements Communication, Publicité ou Marketing, soit en externe sur les réseaux sociaux ou dans la presse.

« Plus choquantes encore sont des initiatives privées, qui s’arrogent le droit de réglementer affiches, publicités, TV, diffusion et autres. Composées de manière obscure, aux membres inconnus, leur « autorité » ne leur a été missionnée par personne, mais leur pouvoir censeur semble absolu, alors que la plupart ont, au contraire, pour mission d’assurer la diversité des offres culturelles ».

Le livre d’Yves Frémion s’intéresse à l’image sous toutes ses formes. Et donc forcément à celles utilisées dans la publicité et la communication. Il en parle dans les 3ᵉ et 4ᵉ parties de l’ouvrage : « Les « usurpateurs de censure » et « Les diffuseurs de culture ».

Il nous donne l’exemple de la RATP, grand groupe de transport parisien, qui a une politique de censure très stricte : pas d’allusions politiques ou religieuses, pas de nudité ou d’érotisme. Selon moi, on peut s’interroger sur ce dernier point alors que l’on voit, encore aujourd’hui, des publicités pour des parfums ou des voitures qui sexualisent le corps des femmes… Il rappelle qu’en 2005, la RATP avait interdit l’affichage d’une campagne d’un salon gay et lesbien, Rainbow attitude, sous prétexte que des couples homosexuels s’embrassaient sur l’affiche. Alors qu’elle autorise des affiches comportant des baisers hétéros. Espérons que depuis les critères aient évolués !

Plus récemment, en 2020, la même société a « retoqué l’affiche de Greenpeace sur le réchauffement climatique, la trouvant « trop politique ». Précisons que cette affiche a été autorisée dans les transports publics d’autres régions de France.

Les « diffuseurs de culture » (producteurs, éditeurs, distributeurs, salles de spectacles, librairies, bibliothèques, musées, galeries, festivals…) se posent également parfois en censeurs alors que « leur mission est de communiquer les œuvres au public et non de les entraver ».  Ainsi, au décès de Philip Guston, artiste jugé subversif, quatre musées qui devaient lui rendre hommage, ont repoussé les expositions en… 2024. Affaire à suivre !

La liberté d’expression artistique est-elle remise en question en 2022 ?

Le livre d’Yves Frémion regorge d’exemples, très documentés, d’actes de censure survenus dans le monde (pays – dits – démocratiques compris, de 2000 à 2020). Il nous bouscule dans nos convictions, lorsque nous découvrons que de grands groupes, dont le métier n’est absolument pas d’avoir regard sur ce qui peut se faire en termes de culture, de publicité ou de toute autre expression sous forme d’image, se pose comme censeur et décide de ce que nous pouvons, ou pas, voir afficher sur les murs.

Yves Frémion nous invite donc à nous questionner sur la liberté d’expression artistique ou dans les secteurs de la publicité et de la communication. Un vrai sujet lorsque l’on travaille dans ses secteurs ou, comme l’Agence Uccello, au service du monde de l’art et de la culture.

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